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Droit du Travail

Branche du droit social, le droit du travail est l'ensemble des normes juridiques qui régissent les relations entre un employeur et un employé.
Le droit du travail encadre notamment la formation, l'exécution et la rupture du contrat de travail.
Il garantit également le respect des libertés syndicales et des normes de sécurité au travail, et la protection des travailleurs vulnérables.

Les Sages jugent les dispositions du Code du travail relatives au droit à congés payés en cas de maladie conformes à la Constitution. Le mystère reste donc entier sur la manière dont le législateur pourra adapter le droit français au droit européen.
La Cour de cassation avait renvoyé au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité portant sur les dispositions du Code du travail relatives aux congés payés en cas de maladie (Cass. soc. QPC 15-11-2023 no 23-14.806 FS-B).
Dans leur décision du 8 février 2024, les Sages estiment que celles-ci ne portent atteinte ni au droit à la protection de la santé et au repos, ni au principe d'égalité, comme le soutenaient les requérants.
 
1/ Pas d'atteinte au droit au repos

La première question posée aux Sages était de déterminer si les articles L 3141-3 et L 3141-5, 5o du Code du travail portent atteinte au droit à la santé, au repos et aux loisirs garanti par le 11e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en ce qu'ils ont pour effet de priver, à défaut d'accomplissement d'un travail effectif, le salarié en congé pour une maladie d'origine non professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés payés et le salarié en congé pour une maladie d'origine professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés au-delà d'une période d'un an.
Le Conseil constitutionnel y répond par la négative.
A noter : Le Conseil constitutionnel circonscrit la question prioritaire de constitutionnalité au 5o de l'article L 3141-5 du Code du travail qui précise que sont considérées comme des périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé « les periodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ».
Les Sages éclairent leur décision à la lumière des travaux préparatoires de la loi du 18 avril 1946, à l'origine des dispositions sur les congés payés : « Le législateur a souhaité éviter que le salarié, victime d'un accident ou d'une maladie résultant de son activité professionnelle et entraînant la suspension de son contrat de travail, ne perde de surcroît tout droit à congé payé au cours de cette période ».
Dès lors, estiment-ils, « il était loisible au législateur d'assimiler à des périodes de travail effectif les seules périodes d'absence du salarié pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle, sans étendre le bénéfice d'une telle assimilation aux périodes d'absence pour cause de maladie non professionnelle. Il lui était également loisible de limiter cette mesure à une durée ininterrompue d'un an ».
A noter : Les Sages s'en tiennent à une réponse laconique. Ils ne répondent pas à certains arguments soulevés devant eux, notamment un droit à une convalescence distinct du droit aux congés payés pour le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnels. Le Conseil constitutionnel se contente de rappeler qu'il « n'a pas un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement?» et que, dès lors, « il ne saurait rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé ».
 
2/ Pas de violation du principe d'égalité

La seconde question posée au Conseil constitutionnel était celle de savoir si l'article L 3141-5, 5o du Code du travail porte atteinte au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 en ce qu'il introduit, du point de vue de l'acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l'origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
Là encore, le Conseil constitutionnel estime l'argumentation développée infondée.
Il décide que « la maladie professionnelle et l'accident du travail, qui trouvent leur origine dans l'exécution même du contrat de travail, se distinguent des autres maladies ou accidents pouvant affecter le salarié. Ainsi, au regard de l'objet de la loi, le législateur a pu prévoir des règles différentes d'acquisition des droits à congé payé pour les salariés en arrêt maladie selon le motif de la suspension de leur contrat de travail ».
Il en conclut que « la différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l'objet de la loi ».
 
Et maintenant??

Si les dispositions du Code du travail en cause ne sont pas inconstitutionnelles, elles demeurent contraires au droit européen comme l'a clairement indiqué la Cour de cassation dans ses arrêts du 13 septembre 2023 (Cass. soc. 13-9-2023 nos 22-17.340 FP-BR et 22-17.638 FP-
Il appartient désormais au législateur de clarifier la situation en posant un cadre. Lors de l'audition devant le Conseil constitutionnel le 31 janvier, le représentant du Premier ministre avait d'ores et déjà indiqué que pour mettre en conformité le droit français par rapport à la directive de 2003, le Gouvernement envisageait « de limiter le quantum à quatre semaines de congés payés dans le respect du principe d'égalité ».
Il devra toutefois trancher d'autres questions, à l'instar de la durée maximale du report (la CJUE admet par exemple un report de 15 mois ; CJUE 9-11-2023 aff. 271/22) ou bien encore le délai de prescription applicable.
 
La position du législateur est en tous les cas attendue par les nombreuses entreprises inquiètes de la portée financière de la jurisprudence de la Cour de cassation.

(ARTICLE FRANCIS L)

Le licenciement économique peut-il être antérieur à la cessation d'activité de l'entreprise ?

(Cass. soc. 20-9-2023 n° 22-13.485 FS-B, Sté TW venant aux droits de la société TA c/ ZT.).

La cessation totale et définitive de l'activité d'une entreprise constitue une cause économique de licenciement, même si une autre société du groupe poursuit une activité de même nature. Elle peut être effective au moment du licenciement ou intervenir postérieurement si elle était irrémédiablement engagée à la date de celui-ci.

La cessation d'activité totale et définitive de l'entreprise constitue en elle-même un motif économique de licenciement (Cass. soc. 15-10-2002 no 01-46.240 FS-PBI : RJS 12/02 no 1452 ; Cass. soc. 10-10-2006 no 04-43.453 FS-PB : RJS 12/06 no 1250?; Cass. soc. 23-3-2017 no 15-21.183 F-D : RJS 6/17 no 403) sans qu'il soit nécessaire de rechercher la cause de cette cessation d'activité quand elle n'est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de l'employeur (Cass. soc. 16-1-2001 no 98-44.647 FS-PB : RJS 3/01 no 294 ; Cass. soc. 2-7-2014 no 12-24.624 F-D : RJS 11/14 no 772 ; Cass. soc. 6-4-2022 no 20-19.305 F-D : RJS 6/22 no 289).

Par exception à la règle classique d'appréciation du motif économique à l'échelle du secteur d'activité du groupe, la cessation d'activité s'apprécie au niveau de l'entreprise, et ce même si l'entreprise appartient à un groupe, sous réserve que les salariés ne soient pas dans une situation de coemploi à l'égard d'une autre société de ce groupe (Cass. soc. 18-1-2011 nos 09-69.199 FS-PBR et 09-70.662 FS-D : RJS 3/11 no 207).

La chambre sociale de la Cour de cassation en déduit que la seule circonstance que d'autres entreprises du groupe aient poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de la société ayant prononcé les licenciements économiques soit regardée comme totale et définitive (Cass. soc. 6-4-2022 nos 20-23.234 et 20-19.305 F-D : RJS 6/22 no 289).

En pratique, la poursuite d'une activité de même nature par une ou plusieurs entreprises du groupe peut s'accompagner du maintien temporaire d'une activité résiduelle au sein de la société employeur afin d'achever l'exploitation de certains produits et/ou pour effectuer le transfert de certains moyens de production.

Des licenciements peuvent-ils être notifiés pendant cette phase de transition, ou l'employeur doit-il attendre que la cessation d'activité de l'entreprise soit totale et définitive, compte tenu de la règle selon laquelle la réalité du motif économique s'apprécie à la date de notification du licenciement (jurisprudence constante, notamment Cass. soc. 26-2-1992 no 90-41.247 P) ?
Dans un arrêt du 20 septembre 2023 destiné à être publié au Bulletin de ses chambres civiles, la Cour de cassation fait preuve de souplesse et de pragmatisme en autorisant l'employeur à notifier les licenciements économiques avant la cessation d'activité totale et définitive de l'entreprise.

Une entreprise contrainte de cesser son activité 8 mois après une opération d'acquisition

En l'espèce, dans le cadre d'une opération d'acquisition au niveau mondial initiée en juin 2015 et finalisée le 2 août 2016, le groupe Allergan cède au groupe Teva son activité de distribution et de commercialisation de médicaments génériques, ainsi que certains produits OTC (médicaments sans ordonnance) et spécialités pharmaceutiques internationales via la cession de l'une de ses filiales françaises, la société TA.

À l'issue de l'opération, la société TA ne conserve que 5 produits pharmaceutiques dans son portefeuille : la majeure partie de ses produits est cédée à la société Teva France du groupe Teva, tandis que 5 produits princeps sont rétrocédés au groupe Allergan. Toutefois, pour tenir compte de l'accomplissement des formalités réglementaires et opérationnelles nécessaires à cette rétrocession, un contrat de distribution transitoire est conclu et prévoit la poursuite par la société TA de ses activités sur les produits rétrocédés jusqu'au 31 décembre 2016.?

Ce démantèlement de portefeuille créant un déséquilibre immédiat de fonctionnement au sein de la société TA, celle-ci informe courant septembre 2016 les représentants du personnel de son projet de cesser l'exploitation des 5 derniers produits demeurant dans son portefeuille et de les transférer au groupe Teva au cours du premier semestre 2017.?

Une période transitoire avant la cessation d'activité au cours de laquelle les salariés sont licenciés

Sans attendre la cessation définitive de son activité, la société TA conclut avec les organisations syndicales représentatives un accord collectif majoritaire portant sur le projet de licenciement collectif incluant un plan de sauvegarde de l'emploi. Cet accord, conclu le 14 novembre 2016 et validé le 30 novembre suivant par la Dreets, prévoit la suppression de 51 postes.

Les salariés refusant le transfert de leur contrat de travail au sein de la société Teva Santé sont licenciés pour motif économique par lettres notifiées du 16 janvier 2017 au 12 mai 2017 en raison de la cessation complète et définitive de l'activité de l'entreprise, qui interviendra le 31 mars 2017.?

La cessation d'activité totale et définitive de l'entreprise pouvait être invoquée à l'appui des licenciements…
Les salariés saisissent le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la condamnation de leur employeur au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Déboutés, ils interjettent appel du jugement auprès de la cour d'appel de Versailles, qui fait droit à leur demande. Pour les juges d'appel, deux raisons s'opposent à ce que la société TA invoque la cessation d'activité comme cause de licenciement économique (CA Versailles 20-1-2022 no 19/01571) :

- le fait que son activité se soit maintenue partiellement au sein du groupe Teva. Les juges d'appel relèvent à cet égard que la cession des derniers produits de la société TA s'est «?accompagnée d'une continuation active de leur exploitation pour au moins 2 d'entre eux avec un transfert de plusieurs salariés?»?;
- l'antériorité des licenciements par rapport à la cessation d'activité de l'entreprise. Les juges d'appel constatent en effet que les licenciements ont été notifiés sur la période courant du 16 janvier 2017 au 12 mai 2017, alors que les activités de la société TA portant sur les 5 derniers produits de son portefeuille n'ont vu cesser leur exploitation au sein de la société TA qu'au 31 mars 2017.?
Mais l'arrêt est cassé.

… malgré la poursuite de l'activité au sein du groupe…
Reprenant à son compte l'analyse de l'employeur, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle dans un premier temps la règle dégagée dans sa jurisprudence récente (Cass. soc. 6-4-2022 nos 20-23.234 et 20-19.305 F-D précités) : la seule circonstance qu'une autre entreprise du groupe ait poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité soit regardée comme totale et définitive, la cessation d'activité s'appréciant au niveau de l'entreprise et non à l'échelle du groupe.
… et son maintien temporaire au sein de l'entreprise ayant notifié les licenciements
La Haute Juridiction poursuit en précisant, pour la première fois à notre connaissance, que le maintien temporaire d'une activité résiduelle nécessaire à l'achèvement de l'exploitation de certains produits avant leur cession à une autre entreprise du groupe ne remet pas en cause la validité des licenciements économiques prononcés pour cessation d'activité, dès lors que, à la date des licenciements, la cessation d'activité de l'entreprise était irrémédiablement engagée.

A noter : Autrement dit, il n'est pas nécessaire que la cessation d'activité de l'entreprise soit complète et définitive lors de la notification des licenciements?; il suffit qu'elle ait été irrémédiablement engagée à cette date. Cette précision met fin à une incertitude juridique : jusqu'à présent, la Cour de cassation n'avait pas adopté de ligne claire sur la temporalité des licenciements et de la cessation d'activité de l'entreprise. En effet, si la Haute Juridiction avait admis la possibilité de maintenir une activité résiduelle après la notification des licenciements pour achever la liquidation des derniers actifs de la société employeur (Cass. soc. 26-9-2012 no 11-21.497 F-D), la formulation utilisée dans un arrêt plus récent, également non publié, pouvait laisser penser que la cessation d'activité totale et définitive devait être effective «?à l'époque des licenciements?» (Cass. soc. 6-4-2022 no 20-19.305 F-D : RJS 6/22 no 289).

Lors de la conférence coorganisée par l'université Paris 1 et l'Association française de droit du travail et de la sécurité sociale le 12 octobre 2023, le conseiller doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation, Jean-Guy Huglo, est revenu sur la portée des arrêts du 13 septembre 2023 s'agissant de la prescription des congés payés acquis par les salariés au titre des arrêts maladie antérieurs à ce revirement (Cass. soc. 13-9-2023 no 22-17.340 FP-BR et no 22-17.638 FP-BR : Actualité du 18-9-2023).
Le conseiller doyen a rappelé que la prescription applicable à l'indemnité compensatrice de congés payés est triennale (C. trav. art. L 3245-1). Le point de départ de l'action est désormais fixé à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors que l'employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d'assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé (Cass. soc. 13-9-2023 no 22-10.529 FP-BR : Actualité du 20-9-2023).
Il en résulte que la prescription n'a pas commencé à courir pour les congés payés acquis au titre des périodes de maladie passées à défaut de diligences permettant aux salariés de les prendre.
Pour Jean-Guy Huglo, les salariés pourraient dès lors revendiquer des congés au titre des arrêts maladie depuis le 1er décembre 2009, date d'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne qui a donné une force juridique contraignante à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dont l'article 31 § 2 a un effet direct ( Actualité du 18-9-2023).

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées. Une cour d'appel ne saurait débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents en retenant qu'il n'a jamais sollicité de son supérieur hiérarchique une autorisation d'exécuter des heures au-delà de celles prévues au contrat et n'a pas évoqué auprès de ce dernier la nécessité dans laquelle il se serait trouvé de réaliser un nombre aussi conséquent d'heures supplémentaires pour atteindre ses objectifs, alors que l'absence d'autorisation préalable n'exclut pas en soi un accord tacite de l'employeur à la réalisation d'heures supplémentaires.

Réforme du code du travail : la loi d'habilitation est parue

( L. n° 2017-1340, 15 sept. 2017 : JO, 16 sept.).

Validée par le Conseil constitutionnel, la loi habilitant le gouvernement à réformer le code du travail par voie d'ordonnances est parue au Journal officiel du 16 septembre.
Prochaine étape : l'adoption des cinq ordonnances en Conseil des ministres. Le gouvernement dispose théoriquement de 6 mois pour prendre la majorité de ces ordonnances. Nul doute que ce sera le cas puisque les ordonnances devraient être présentées en Conseil des ministres le 22 septembre prochain et publiées au Journal officiel dans les jours suivants.
Une fois publiées, l'exécutif disposera de trois mois pour présenter au Parlement un projet de loi d'habilitation donnant valeur légale aux dispositions que chaque ordonnance contient.

La Cour de cassation continue de forger sa jurisprudence relative au "préjudice nécessaire". Elle confirme dans un arrêt du 13 septembre 2017 que l'inobservation de la procédure de licenciement ne cause pas nécessairement un préjudice au salarié. En outre, elle précise que dans les entreprises de moins de 11 salariés et pour un salarié ayant moins de 2 ans d'ancienneté, la perte de l'emploi lui cause nécessairement un préjudice qu'il appartient au juge de réparer. La portée de cette décision semblerait toutefois devoir être tempérée au vue des projets d'ordonnances visant à réformer le code du travail.

Port du foulard islamique dans une entreprise privée: principes et limites posés par la CJUE

(ref CJUE, 14 mars 2017, deux arrêts, aff. C-157/15 et aff. C-188/15).

Dans deux arrêts rendus le 14 mars 2017, la CJUE apporte de nouvelles précisions quant aux règles relatives au port du foulard islamique dans une entreprise privée. D'une part, l'interdiction de porter un foulard islamique, qui découle d'une règle interne d'une entreprise privée interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, ne constitue pas une discrimination directe fondée sur la religion ou sur les convictions. En revanche, une telle règle interne d'une entreprise privée est susceptible de constituer une discrimination indirecte s'il est établi que l'obligation en apparence neutre qu'elle prévoit entraîne, en fait, un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données, à moins qu'elle ne soit objectivement justifiée par un objectif légitime, tel que la poursuite par l'employeur, dans ses relations avec ses clients, d'une politique de neutralité politique, philosophique ainsi que religieuse, et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier (CJUE, 14 mars 2017, aff. C-157/15).

D'autre part, la volonté d'un employeur de tenir compte des souhaits d'un client de ne plus voir les services dudit employeur assurés par une travailleuse portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante de nature à justifier le licenciement d'une salarié au motif que celle-ci refusait de retirer son foulard islamique lorsqu'elle était en mission auprès des clients de cette entreprise (CJUE, 14 mars 2017, aff. C-188/15.
Dans la première affaire, une juridiction belge avait saisi la CJUE afin de savoir si l'interdiction de porter un foulard islamique, qui découle d'une règle interne générale d'une entreprise privée, constitue une discrimination directe.

Dans la seconde affaire, la Cour de cassation (Cass. soc., 9 avril 2015, n° 13-19.855, FS-P+B+I souhaitait savoir si la volonté d'un employeur de tenir compte du souhait d'un client de ne plus voir ses services fournis par une travailleuse qui porte un foulard islamique pouvait être considérée comme une "exigence professionnelle essentielle et déterminante" au sens de la Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000.

Inaptitude du salarié et impossibilité de reclassement

(Cass. soc. 11-1-2017 n° 15-11.314 F-D ; Cass. soc. 11-1-2017 n° 15-22.485 F-D).

Quand un salarié est déclaré inapte à tout poste dans l'entreprise par le médecin du travail, l'employeur a tout intérêt à solliciter des précisions du médecin sur le reclassement. Deux décisions la Cour de cassation en témoignent.
Les deux décisions du 11 janvier 2017 illustrent l'intérêt, pour l'employeur, de solliciter des précisions du médecin du travail sur les possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte.
Le médecin du travail peut indiquer que le reclassement est impossible.
Le premier arrêt (n° 15-22.485) est l'occasion pour la Cour de cassation de réaffirmer un principe adopté récemment.
A réception d'un avis d'inaptitude du salarié à tout emploi dans l'entreprise, qui ne dispense pas de l'obligation de reclassement, l'employeur peut se rapprocher du médecin du travail en vue d'obtenir des précisions. Si, dans sa réponse, ce dernier exclut toute possibilité de reclassement dans l'entreprise, l'employeur peut se considérer dans l'impossibilité de proposer un poste au salarié : en effet, une telle offre ne serait pas conforme aux préconisations du médecin. Le licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement peut donc être envisagé (Cass. soc. 24-6-2015 nos 14-10.163 F-D et 13-27.875 F-D ; Cass. soc. 15-12-2015 n° 14-11.858 F-PB ; Cass. soc. QPC 13-1-2016 n° 15-20.822 FS-PB).
C'est précisément la procédure qu'a appliquée, en l'espèce, l'employeur. Il a sollicité des précisions du médecin du travail, qui lui a confirmé par écrit que le reclassement du salarié inapte, classé en invalidité de 2e catégorie, n'était pas possible. Les juges, qui ont constaté que l'employeur a loyalement cherché un poste au sein du groupe, en vain, ont considéré qu'il a rempli son obligation de reclassement.
Le médecin du travail peut fixer un cadre strict à la recherche de poste.
Dans le second arrêt (n° 15-11.314), le salarié a été déclaré inapte à tout poste au sein de l'établissement de Valence, où il était employé. L'employeur a pris contact avec le médecin du travail afin d'obtenir des indications sur les postes de reclassement susceptibles de convenir. Ce dernier a répondu par courrier conseillant à l'employeur de rechercher des postes hors Valence, “sur le site de Ruelisheim, par exemple”. Le seul poste disponible sur ce site a été proposé au salarié, qui l'a refusé. Concluant à l'impossibilité de le reclasser, l'employeur a prononcé un licenciement.
Le salarié a saisi le juge prud'homal : selon lui, l'employeur a manqué à son obligation de reclassement en s'en tenant strictement aux termes du courrier du médecin du travail et en ne lui proposant pas de postes au sein de ses autres établissements. Il est débouté par la cour d'appel, dont la décision est approuvée par la Cour de cassation.
Ainsi, le médecin du travail, en précisant les caractéristiques de l'emploi de reclassement postérieurement à l'avis d'inaptitude physique, a fixé un cadre pour la recherche incombant à l'employeur. Dès lors que ce dernier a proposé au salarié tous les postes disponibles et conformes aux dernières préconisations en date du médecin, il a rempli son obligation de reclassement. Face au refus du salarié du seul poste remplissant ces critères, il a pu engager la procédure de licenciement.
A noter : L'article 102 de la loi 2016-1088 du 8 août 2016 (loi “Travail”) et son décret d'application 2016-1908 du 27 décembre 2016 entendent favoriser l'instauration d'un dialogue entre le médecin du travail, le salarié et l'employeur en amont de la constatation de l'inaptitude physique du salarié. Depuis le 1er janvier 2017, un tel constat est en effet obligatoirement précédé d'échanges entre les parties, permettant à chacun de faire valoir ses observations notamment sur les préconisations de reclassement du salarié inapte. L'avis d'inaptitude physique doit être éclairé d'indications écrites relatives au reclassement et tenant compte, en principe, de ces échanges. Ainsi, certains litiges comme ceux ayant donné lieu aux arrêts ci-dessus pourraient être évités.

Protection de la femme enceinte / interdiction d'emploi d'un étranger non muni d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée

(Soc. 30 avril 2014, n°13-12.321, Bull. N°111 ; Soc. 8 juillet 2015, n°14-15.979, P+B ; Soc.14 sept. 2016 n°15-15.943, P+B).

Par l'arrêt ici commenté, la chambre sociale de la Cour de cassation tranche un conflit entre deux normes impératives : d'une part, la protection de la femme enceinte, d'autre part, l'interdiction d'emploi d'un étranger non muni d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (Arrêt Cass. Soc. n° 492 (15-27.928) du 15 mars 2017)

Les faits étaient les suivants :
Mme X..., de nationalité marocaine a été engagée le 25 octobre 2010 par les époux Z... en qualité d'auxiliaire parentale. Lors de son embauche, elle leur a remis une carte de séjour temporaire de vie privée et familiale avec autorisation de travail expirant le 31 octobre 2010. Le 21 avril 2011, l'autorité administrative a notifié aux époux Z... que l'autorisation de travail demandée pour la profession de garde d'enfant était refusée et qu'il était interdit à Mme X... d'exercer une activité salariée en France. Convoquée à un entretien préalable à son licenciement, l'intéressée a alors informé l'employeur de son état de grossesse. Elle a été licenciée le 20 juin 2011 au motif de l'interdiction de travail notifiée par la préfecture.

La cour d'appel a considéré que l'interdiction de travail salarié notifiée à l'employeur justifiait le licenciement sans que puisse lui être opposée la protection de la femme enceinte.
Cette protection résulte, en droit interne, de l'article L.1225-4 du code du travail qui institue une protection relative s'appliquant dès le constat de grossesse jusqu'au départ en congé de maternité, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes (1) au cours de laquelle le licenciement peut intervenir dans les cas limités prévus par la loi, d'autre part, une protection absolue couvrant le congé de maternité, au cours duquel le contrat de travail est suspendu et le licenciement interdit, quel qu'en soit le motif.
Ce texte intègre les exigences communautaires, l'article 10 de la directive 92/85/CE du 19 octobre 1992 disposant que les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour interdire le licenciement des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes pendant la période allant du début de leur grossesse jusqu'au terme du congé de maternité sauf dans les cas d'exception non liés à leur état, admis par les législations nationales.
La protection ne doit-elle pas être écartée lorsque la salariée en état de grossesse, ne dispose pas ou plus d'un titre de séjour l'autorisant à travailler ?
En effet, l'article L. 8251-1 du code du travail édicte une interdiction d'ordre public, selon laquelle nul ne peut directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France.Il est également interdit à toute personne d'engager ou de conserver à son service un étranger dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autres que celles qui sont mentionnées, le cas échéant, sur le titre prévu au premier alinéa.

La Cour de cassation devait donc opter entre des dispositions légales, incompatibles entre elles, dont les finalités sont distinctes.
Par un attendu de principe, elle décide :
Les dispositions d'ordre public de l' article L.8251-1 du code du travail s'imposant à l'employeur qui ne peut, directement ou indirectement, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, une salariée dans une telle situation ne saurait bénéficier des dispositions légales protectrices de la femme enceinte interdisant ou limitant les cas de licenciement.

Ainsi, à l'instar des dispositions protectrices relatives au représentant du personnel, dont la chambre sociale juge qu'elles ne s'appliquent pas au salarié qui ne dispose pas ou plus de titre l'autorisant à travailler en France (2), la protection de la femme enceinte, qu'elle soit relative ou absolue, cède devant l'interdiction d'ordre public, assortie de sanctions civiles et pénales, d'employer ou de conserver à son service un salarié dans une telle situation.
Conforme au droit de l'Union prévoyant la possibilité de licencier une salariée enceinte pour un motif non lié à la grossesse, la solution retenue par la Cour de cassation fait prévaloir les dispositions de police des étrangers qui sont préalables à l'application d'une protection supposant un contrat de travail susceptible d'exécution.
Cette période (portée à dix semaines par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016) n'étant suspendue que par la prise de congés payés suivant immédiatement le congé de maternité

Dans un arrêt du 16 septembre, la Cour de cassation rappelle que faire pression sur le salarié pour qu'il accepte de signer une convention de rupture conventionnelle constitue un vice du consentement qui invalide l'acte de rupture.

L'obligation pour l'employeur de mesurer l'exposition de ses salariés aux 6 derniers facteurs de pénibilité non encore pris en compte (bruit, températures extrêmes, manutention manuelle de charges ...), sur les 10 fixés par décret, serait reportée au 1er juillet 2016.
En raison des difficultés engendrées par la mise en oeuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité, un rapport avait été commandé par le Gouvernement à messieurs Sirugue, Huot et De Virville. Plusieurs des préconisations de ce rapport, remis le 26 mai 2015, ont été reprises par la loi 2015-994 du 17 août 2015 sur le dialogue social, notamment le remplacement de la fiche individuelle d'exposition aux risques par une déclaration annuelle de l'employeur et la possibilité de se fonder sur des référentiels professionnels de branche homologués par arrêtés pour évaluer l'exposition aux risques, en plus des accords de branche étendus déterminant l'exposition des salariés en se référant aux postes, métiers et situations de travail occupés.
Pour permettre aux branches professionnelles d'élaborer ces outils, le Premier ministre avait, par ailleurs, annoncé, lors de la remise de ce rapport, un report de la mise en oeuvre des 6 facteurs de risques professionnels suivants : manutention manuelle de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques, agents chimiques dangereux, températures extrêmes et bruit. Ceux-ci, au lieu d'entrer en vigueur début 2016, ne seraient applicables qu'à partir du second semestre 2016. Les 4 autres facteurs (activités en milieu hyperbare, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif) sont déjà applicables depuis le 1er janvier 2015.
Une réponse ministérielle confirme ce report à venir. L'entrée en vigueur des 6 facteurs restants devrait être fixée au 1er juillet 2016. Pour que les salariés ne soient pas pénalisés, ceux-ci devraient bénéficier, exceptionnellement pour le second semestre 2016, des points correspondant à une année entière.
Par ailleurs, la réponse ministérielle indique que certains facteurs devraient être redéfinis, notamment celui des gestes répétitifs.
Un décret devrait donc être adopté à cet effet d'ici la fin de l'année afin de modifier les articles D 4161-1 et suivants du Code du travail.

Lorsque le médecin du travail déclare un salarié inapte à son emploi après une maladie ou un accident professionnel et indique que son maintien dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé, l'employeur est délié de son obligation de reclassement.
Le Code du travail prévoit que, lorsqu'un salarié est déclaré physiquement inapte à son poste par le médecin du travail, l'employeur est tenu de lui rechercher un emploi de reclassement. L'intéressé ne peut être licencié qu'à défaut de poste disponible, ou s'il refuse les propositions qui lui sont faites. La Cour de cassation applique strictement ces dispositions et considère que cette obligation de reclassement s'impose à l'employeur même lorsque le salarié est déclaré inapte à tout emploi dans l'entreprise (voir par exemple Cass. soc. 9-7-2008 n° 07-41.318 : RJS 10/08 n° 982).
Depuis le 19-8-2015, date d'entrée en vigueur de la loi sur le dialogue social et l'emploi, le médecin du travail déclarant un salarié physiquement inapte à son emploi à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle a la possibilité d'indiquer dans son avis que le maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé. Dans cette situation, l'employeur est dispensé de toute recherche de reclassement et peut engager la procédure de rupture du contrat pour inaptitude physique.

Depuis le 1er juin 2014, le certificat de travail doit mentionner le maintien temporaire à titre gratuit de la couverture frais de santé de l'entreprise. Cette obligation est étendue au maintien de la prévoyance à compter du 1er juin 2015.

Le conseiller prud'homal, parce qu'il exerce ses fonctions hors de l'entreprise, ne peut se prévaloir de son statut protecteur que s'il informe la direction de l'existence de son mandat. Si l'entreprise est rachetée, il doit alors penser à informer le nouvel employeur.

Organe compétent pour licencier le salarié d'une association

(Cass. soc., 17 mars 2015, n° 13-20.452).

Le conseil d'administration statutairement investi du pouvoir de désigner le directeur salarié de l'association a seul compétence pour décider du licenciement de celui-ci.